Rapport : Derrière le PSE de Gras Savoye, « une stratégie à court terme » et financière

D’après le cabinet d’expert comptable Sacef, la réorganisation en cours chez Gras Savoye est mal préparée et comporte de nombreux risques. Le courtier privilégie les actionnaires dans le cadre du LBO et leur sortie prévue en 2016.

Engagé dans des négociations laborieuses avec les syndicats, Gras Savoye prévoit de licencier 291 collaborateurs et d’en embaucher 57 dans le cadre d’un PSE (plan de sauvegarde de l’emploi).

Alors même que les discussions avancent avec peine, un rapport du cabinet d’expert comptable Sacef remis à la direction et aux syndicats en avril et que nous avons pu nous procurer, fait état de vives critiques et réserves sur le bien fondé du PSE.

 « Une stratégie à court terme »

Clairement, les auteurs du rapport pointent « une stratégie à court terme » du courtier qui cherche à réduire au plus vite les coûts dans le but de « valoriser le mieux possible la sortie des actionnaires familiaux et financiers ».

En effet, Gras Savoye est contraint par le calendrier que lui impose son LBO avec Willis qui « l’oblige d’agir de façon précipitée« , selon les experts.

L’actionnaire Willis qui pourra exercer son option d’achat sur toutes les actions du groupe d’ici à juin 2016, tiendra compte de la valorisation de Gras Savoye sur les deux dernières années. Le courtier espère donc gonfler sa rentabilité avant sa revente. Il cherche à  « comptabiliser les charges (liées au PSE, ndlr) sur 2013 » et « optimiser les résultats des exercices 2014 et 2015 ».

De nombreux départs depuis 2012

Au cours de 2012, Gras Savoye a déjà fait pression sur effectifs : 141,5 équivalents temps plein ont quitté l’entreprise avec 73 licenciements, 61 ruptures conventionnelles, et 178 démissions.

« Il y a eu une valse de dirigeants et de directeurs à la tête de Gras Savoye, on sentait dès 2012 que l’univers professionnel devenait incertain. Il ne reste aujourd’hui plus qu’un membre du Comex sur une dizaine au départ. De nombreux employés mais aussi des cadres de haut niveau ont été poussés vers la sortie », rapporte un ancien cadre du courtier, licencié sans ménagement.

Le coût des départs est passé de 1,6M en 2011 à 6,4M d’euros en 2012. Et le courtier prévoit une enveloppe de 10M pour les indemnités de départs cette année. A l’horizon 2015, le bilan financier du PSE restera négatif à près de 4M d’euros.

« Un risque opérationnel important »

Le cabinet d’expert, mandaté par le CCE et dont le but est avant tout de protéger les salariés, regrette « un projet de PSE conçu à minima » qui ne protège pas les salariés, mais il estime aussi que ce plan fait peser « un risque opérationnel important » pour le courtier, notamment par l’externalisation prévue de certaines tâches comme la relation client. Les postes sur les plateformes clients et les services informatiques vont payer un lourd tribut.

« Dans le cadre d’une organisation aujourd’hui non maîtrisée, non homogène et fonctionnant avec des outils différents, l’externalisation projetée nous apparaît comme très risquée au niveau business« , prévient le Sacef.

« Nous risquons de perdre un important potentiel commercial, avec des cadres qui partent avec leurs carnets de clients, le potentiel d’affaires risque de se réduire« , affirme également l’ex-cadre du courtier.

Des résultats en baisse

Pour le cabinet, Gras Savoye a les reins solides mais doit faire face à un environnement dégradé. En 2012, le chiffre d’affaires brut du groupe est en recul de 6,2% en 2012. « Néanmoins l’évolution est impactée par le changement de périmètre de consolidation et ne reflète pas de l’évolution nette des rétrocessions de l’activité« , précise le cabinet. Gras Savoye a communiqué, pour sa part, un chiffre d’affaires de 550,6M en légère baisse (-0,8%).

Le résultat opérationnel sort en baisse de 20,8% à 37,9M d’euros contre 47,8M d’euros en 2011.

En France, « les résultats consolidés montrent une baisse de l’activité nette depuis 2009 avec notamment un recul de 2,5 % du chiffre d’affaires net entre 2011 et 2012, à 248,9M d’euros », précise le Sacef. Le chiffre d’affaires brut France est de 390M d’euros soit 76,5% de l’activité groupe.

Sur les grands comptes, le courtier enregistre un repli de près de 5% de l’activité (-7,1M d’euros), lié « au non renouvellement de certains grands comptes tels que Société Générale, PSA, Bouygues Télécom (en « run off »)… « 

Le résultat opérationnel 2012 France s’élève à 0,9M d’euros (contre 12,4 M d’euros en 2011).

Toutefois, « les affaires nouvelles sur ce dernier exercice sont à leur plus haut niveau depuis 2009 aussi bien en valeur qu’en nombre« , ajoutent les experts. Gras Savoye dispose également d’une trésorerie largement excédentaire et a vu son endettement se réduire.

Gras Savoye a dû néanmoins supporter en 2012 une charge financière liée au LBO de 24,1M d’euros (pour 286M d’euros d’emprunts obligataires). Enfin, il a versé 36M d’euros de dividendes à ses actionnaires.

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